Le site d'investigation "Disclose" a rapporté dimanche que la France fournissait des informations de renseignement aux autorités égyptiennes, que Le Caire utilisait pour cibler des passeurs à la frontière égypto-libyenne, et non des djihadistes, contrairement à ce qui avait été convenu entre les deux pays, citant des "documents secrets de défense" qui montrent le détournement de l'objectif de la mission française.
Selon Disclose, la mission de renseignement française « Cirly », qui a débuté en février 2016, pour aider l'Égypte dans la lutte contre le terrorisme, a été déjouée par « l'État égyptien, qui utilise les informations qu'il a recueillies pour lancer des frappes aériennes sur des individus qu'il soupçonne être des contrebandiers."
Selon Disclose, la mission (...) était de surveiller le Sahara occidental pour repérer les menaces terroristes potentielles en provenance de Libye à l'aide d'un avion léger de surveillance et de reconnaissance loué par la Direction du renseignement militaire français à l'Egypte.
Le site d'investigation poursuit : « Théoriquement, les données recueillies devraient être examinées et comparées, afin d'évaluer la réalité de la menace et l'identité des suspects. Cependant, les membres de l'équipe (française) se sont vite rendu compte que les renseignements fournis aux Égyptiens étaient utilisés pour tuer des civils soupçonnés de contrebande."
Le site Internet a affirmé avoir obtenu des documents indiquant que « les forces françaises ont été impliquées dans au moins 19 opérations de bombardement contre des civils entre 2016 et 2018 ».
La Direction du renseignement militaire et celle de l'armée de l'air ont exprimé leur préoccupation face aux abus dans un mémorandum adressé à la présidence française le 23 novembre 2017.
Une autre note datée du 22 janvier 2019 adressée à la ministre française de la Défense Florence Parly avant une visite officielle en Egypte avec le président français Emmanuel Macron, mentionnait l'existence de « cas confirmés de destruction de cibles découvertes » par l'avion français. Dans la note il était indiqué : « Il est important de rappeler au partenaire que l'avion de surveillance de reconnaissance légère n'est pas un outil de ciblage."
Malgré cela, Disclose insiste sur le fait qu'aucun rappel de la mission n'a été adressée à la partie égyptienne. Il affirme également que "l'armée française est toujours déployée dans le désert égyptien".
Le ministère français de la Défense a indiqué dimanche soir 21 novembre 2021 à l'AFP que "l'Egypte est un partenaire de la France - comme c'est le cas avec de nombreux autres pays - nous établissons des relations dans le domaine du renseignement et de la lutte contre le terrorisme... Pour des raisons évidentes de sécurité et d'efficacité, nous ne donnerons pas plus de détails sur la nature des mécanismes de coopération mis en œuvre dans ce domaine ». Il a ajouté cependant que la ministre Florence Parly « avait demandé une enquête sur les informations publiées par Disclose."
L'agence a noté que les ventes d'armes françaises à l'Egypte se sont fortement renforcées avec l'arrivée d'Abdel Fattah al-Sisi au pouvoir en 2014, notamment entre 2014 et 2016 à travers la vente de chasseurs Rafale, d'une frégate, de quatre corvettes et de deux porte-hélicoptères Mistral.